Histoires de rencontres et de perplexité
Des livres pour résister aux dominations

Le monde dans lequel on tombe comme une frêle cascade vaguement lumineuse est un monde où la promesse de vivre agonise. Où non seulement s'assombrit le voyage sur une planète obsédée de possession, de rendement, d'armement, mais où chaque jour réserve de nouvelles horreurs commises au nom d'un dominateur du ciel ou de la terre, glorifiant les élus de la domination. Tout est permis, sauf de perdre.
Cette morale des démocraties en déclin et des individus plus ou moins robotisés consterne face à la honteuse actualité qui massacre un peuple entier sur sa terre clôturée comme le sont tous les camps de la mort.
On dirait que tout se passe, depuis des millénaires, comme s'il y avait deux histoires humaines, inséparables. L'une qui perpétue la cynique absurdité du monde et de l'impérieux ego, même paré de bonheur, et l'autre la grâce, même douloureuse, de vivre.
Altra expérimente la dérive
hors du désastre
de la domination
– Altra ?
– On n'est personne. Une disparue. Et pourtant nous voilà !
– Hors de la domination ? Un bien ! Qui tourne mal ? Fatalité.
– Sans doute. Mais si la dérive dépassait le géant désastre ?
– On reste perplexe.
– Première avancée au large des raisonnements dominateurs.
Vous qui montez à bord, on compte sur votre perplexité pour le souffle dans la voile. Vous ne serez pas capitaine, pas plus qu'Altra, car le voyage dépend de la confiance dans l'imprévisible et dans la liberté qu'il transmet à la voile, par tous les temps, paisibles, passionnés, brumeux, avec ou sans vent.
Quoi qu'il arrive, on salue la vie en renouvellement. Car on reste perplexe face aux triomphes de l'intelligence justifiant l'oppression, l'appropriation, la fierté guerrière, la cruauté, l'indifférence, la tromperie et finalement le meurtre de la pensée. Avec le on qui un jour, dans l'écriture, a succédé au je, et n'a rien de neutre, on aimerait entraîner chacun chacune à partager l'intime solitude de la vie en quête de dignité humaine, son simple envol quasi invisible et non moins frémissant de réalité. D'où les livres.
Une immobilité en partance :
embarquement dans les livres
Avec les trois premiers livres publiés aux éditions de L'Âge d'Homme à Lausanne on a encore une identité repérable. On s'appelle Mireille Buscaglia. On est citoyenne de Genève, deux siècles après Rousseau. Par libre instinct de résistance on s'insurge contre l'inégalité, l'injustice, la guerre. On manifeste dans la rue parmi la jeunesse en ébullition. On enseigne quelques années. On publie quelques articles autour de l'art. Ce qu'on cherche continue à nous échapper. On devient mère. Amplifiée de vie et dépassée. Mais le père ? L'autre vivant... Il a de la peine à se libérer du piédestal qui le contraint à la domination...
Assombrissement.
Est-ce qu'un nouveau monde peut s'ouvrir entre les êtres abandonnés à une croissante perplexité ? Ou est-ce que les peurs et parades vont réussir à tout anéantir ? On ne voit plus clair...
Et comment vivre si la vie n'éclaire pas ?
Alors s'ouvre la fissure à peine consciente : la nécessité d'écrire. D'être travaillée dans l'opacité par une lueur... Laquelle ? On ne sait pas. On écrit comme une morte qui ne se satisfait pas d'être ensevelie mais ne consent pas aux marches à suivre pour exister sous les lumières qui en imposent au monde entier.
On est menée, menée comme les autres vies dont l'élan libérateur ne se confond pas avec l'illusion de domination, on est menée au fil d'une errance humaine dont l'envergure, depuis l'enfance des temps, anime le lien avec l'univers, l'étonnement créateur, l'accord impossible à forcer.
On voit dorénavant les livres prendre corps grâce à la compétente amitié de France Laplume, à l'origine de l'Édition La lampe-tempête, à Paris. On porte un nouveau nom, en écho à l'adjectif italien qui signifie autre, au féminin singulier :
Publications
sous le nom d'Altra
éditions La lampe-tempête
Douzième livre, encore en travail...
On accouche de la vieille déroute
nouvelles 125p. (2024)
De la déroute renaît la voix
Étrangère à l’atavique
Attraction de la domination…
De l’air ! De l’air!
nouvelles 135p. (2022)
De l'air ! De l'air ! Que tout chancelle !
Car ce n'est pas la fissure qui abîme
Et ce n'est pas la mort qui anéantit
Mais l'enfer de la survie docile
À l'emprise des dominations.
De l'air ! De l'air ! Et que s'anime
Un autre monde, réel, insaisissable.
Vaillance
un testament, 177 p. (2021)
On a choisi, obscure, la maison risquée
Où la fissure de l'insaisissable
Libère le vivant éclair
De la chute
Le volcan
sous la mer
récit, 217 p. (2020)
Suite au désastre d’une marée noire défigurant la côte
sur laquelle on pensait s’installer pour un heureux séjour
loin du tumulte de la grande ville,
on cherche ailleurs le bleu vivant de la mer…
Hors miroir
roman, 96 p. (2019)
Ce qui lui tient au corps
À cette femme c’est le désir
D’arc-en-ciel
Feu-Flamme
roman, 195 p. (2018)
Face à tous les Importants qui d'une façon ou de l'autre ont pris possession de l'île où la narratrice a débarqué sans l'avoir voulu, que va devenir l'étrange Feu-Flamme, dont l'esprit foudroyé libère l'élan vers la conscience ?
Sans point final
roman, 162 p. (2017)
Une histoire d'amour.
On croyait savoir que toutes ces histoires-là ont une fin !
On avait raison. On se trompait. L'étonnement reste en vie.
L'énigme des circonstances
récit, 367 p. (2016)
On part à la recherche d'une lumière, d'un intense amour, d'une liberté nouvelle... et on se retrouve dans une cabine solitaire à bord du vieux navire en route pour la tempête et la disparition. Quel sens a ce voyage ?
Publications
Mireille Buscaglia
éditions de L'Âge d'Homme
Sève
Une tout autre histoire de croissance
393 p. (2012)
...une histoire à plusieurs visages, des blancs, des noirs, qui voyagent comme la sève en aller-retour entre la force de l'enracinement et la périlleuse fragilité de la cime. Rencontre de destins en clair-obscur, au fuyant avenir, le livre avance à travers la maison, la ville, le paysage, le corps, la pensée dont la croissance en forme d'arbre a horreur des murs. Les murs ont cependant les meilleures raisons du monde pour s'imposer...
Eurydice
poème, 162 p. (1984)
L'histoire d'une Eurydice assez vaillamment folle pour qu'Orphée ne se retourne pas.
Le tourment
et l'infini
Renversant accord
En toi silence dépassons nos prouesses
De machines à dominer
En toi silence dépassons nos frénésies
De foules soumises aux éblouissements
Et cris de guerre sous les lumières captives
En toi silence dépassons l'espoir
De conjurer la chute du soleil mort
En toi silence... Oh ! silence...
Mais de quelle terre meurtrie ?
Et sous quel ciel plombé ?
Un colossal fortin ensevelit la pensée
Quelle ombre vacillera vers l'éveil
Égarée à la rencontre du précipice
D'être en vie ? Oh ! que renaisse la transe
Des corps dans le clair-obscur du silence
Qui n'impose pas silence à la conscience...
Foudroyante Oh ! ni à l'errance de la parole
En détresse en travail en renversant accord
Avec l'enfantement de la nuit
La nuit la rebelle ailée de tempêtes
La nuit aux frêles étoiles insaisissables